La Belgique figure parmi les pays les plus développés au monde. Pourtant, en Wallonie, plus d’un habitant sur cinq vit dans un ménage en situation de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Ce risque traduit la part de personnes qui sont concernées par au moins une des trois formes de pauvreté: la pauvreté monétaire, le fait de vivre dans un ménage à très faible intensité de travail et la privation matérielle et sociale sévère.
La pauvreté en Wallonie: un défi caché dans un pays développé
La privation matérielle et sociale sévère touche 8,6 % de la population. Elle fait référence à un ensemble de besoins essentiels que toute personne devrait pouvoir satisfaire. Cela inclut la capacité de payer son loyer à temps, de chauffer son logement, de participer à des loisirs réguliers, d’acheter des vêtements neufs ou même d'avoir deux paires de chaussures. Les personnes qui, pour des raisons financières, ne peuvent accéder à au moins sept de ces besoins sont considérées en situation de privation sévère. Elles sont non seulement limitées sur le plan matériel, mais se retrouvent aussi isolées socialement.
Un pauvreté persistante
En Wallonie, la pauvreté est rarement passagère: trois personnes pauvres sur quatre sont dans une situation de pauvreté persistante. En outre, la pauvreté se transmet souvent de génération en génération: diverses études révèlent qu’un enfant vivant dans la pauvreté est susceptible de devenir un parent en situation de précarité1.
Face à ce constat, il est essentiel de mettre en place des solutions visant à briser ce cycle et à permettre une sortie durable de la pauvreté.
L’emploi, un rempart inégal contre la pauvreté
Parmi les solutions disponibles, l’accès à un emploi est un levier fondamental pour sortir durablement de la précarité. En effet, il a été démontré que les personnes considérées comme «inactives», c’est-à-dire qui ne bénéficient pas de revenus du travail, sont surreprésentées dans la situation de pauvreté.
Oui mais, à nouveau, il existe des inégalités d’accès au marché du travail. Les jeunes issus de l'immigration non-européenne, sont trois fois plus susceptibles de vivre sous le seuil de pauvreté que les citoyens belges et font face à davantage d'obstacles pour obtenir un emploi stable. En Belgique, leur taux d'emploi est inférieur de plus de 20 points de pourcentage par rapport à celui des jeunes sans ascendances migratoires. Cela ne va donc pas de soi!
Si nous souhaitons rendre le marché du travail effectivement accessible – et offrir à ces jeunes pleins de potentiel la chance de sortir durablement de la pauvreté – nous devons nous attaquer aux causes de ces inégalités et investir dans des dispositifs correctifs utiles, dont l’impact a été démontré.
Des difficultés multifactorielles
Pour réduire ces inégalités, DUO for a JOB concentre son action sur ce public particulièrement vulnérable. Depuis 2017, en Wallonie, nous avons accompagné plus de 1000 jeunes issus de l’immigration dans leur recherche d’emploi et leur désir de trouver leur voie professionnelle en Belgique. À travers notre expérience de terrain, nous constatons à quel point la situation socio-économique des jeunes accompagnés influence leur recherche d’emploi.
D’abord, il y a les difficultés liées au contexte. Elles concernent, pour les primo-arrivants, le parcours migratoire et les conditions de leur arrivée en Belgique. Plus généralement et pour l’ensemble des jeunes, elles sont également liées au contexte du marché de l’emploi belge (les exigences en termes de qualification, les contraintes linguistiques, la précarité des emplois, la discrimination, etc).
Ensuite, il y a les difficultés liées à la recherche d’emploi. Elles concernent généralement l’accès à l’information et aux services existants, l’identification et la valorisation des compétences, la connaissance du marché de l’emploi, la difficulté à s’y projeter et à postuler, l’accès à la formation mais aussi le manque de capital social et de réseaux pertinents.
Enfin, il y a les difficultés d’ordre social. En Wallonie, seuls 5 % des jeunes accompagnés disposent d’un revenu issu du travail, faisant de la précarité financière et de l’endettement des problématiques particulièrement fréquentes. Par ailleurs, 13 % sont confrontés à des problèmes de logement, tels que l’insalubrité, un loyer excessif ou un risque d’expulsion. D’autres situations, comme l’absence de solution de garde pour les enfants ou les troubles de santé mentale, reviennent également de manière récurrente.
Le mentorat comme outil de lutte contre la pauvreté
Le mentorat vers l’emploi apporte une réponse concrète à ces différents obstacles et peut véritablement changer des trajectoires de vie. Les résultats le démontrent: malgré le cumul de caractéristiques pénalisantes, 7 jeunes sur 10 décrochent un emploi, une formation ou un stage.
La clé du programme de DUO for a JOB c’est d'offrir, grâce au mentor, un accompagnement individualisé pour adresser, un à un, les besoins de chaque jeune. Le mentor, par sa disponibilité et l’exclusivité de sa relation avec le mentee, incarne un soutien humain privilégié. Une fois la confiance établie, il devient un véritable fil conducteur dans le processus d’insertion, en créant du lien et en facilitant les transitions entre le jeune, les entreprises et les services publics administratifs et sociaux.
Loin de se substituer au jeune, le rôle du mentor vise avant tout à renforcer son autonomie. Il informe, inspire, guide et sécurise, aidant ainsi le mentee à naviguer plus sereinement dans des démarches souvent complexes. Dans les situations de précarité, le mentor peut accompagner le jeune dans la définition d’un projet réaliste, en dissociant d’une part le projet à court terme guidé par le principe de réalité et lié aux besoins financiers et d’autre part un projet à long terme.
L’impact du mentorat dépasse le cadre immédiat de l’accompagnement. Il favorise le développement de compétences clés : confiance en soi, élargissement du réseau social et professionnel, amélioration du niveau de langue et meilleure compréhension de la culture belge. Ces acquis permettent aux jeunes de sécuriser leur parcours, de s’adapter aux défis professionnels et de rebondir en cas de difficultés, favorisant ainsi une insertion durable sur le marché du travail.
1 : De Schutter, O., Frazer, H., Guio, A.-C., & Marlier, E. (2023). The Escape from Poverty : Breaking the Vicious Cycles Perpetuating Disadvantage.