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continuer sans accepterUn an après le début de la crise sanitaire, DUO for a JOB a mené une enquête auprès des 720 duos qu’elle a accompagnés en 2020 sur le chemin de l’insertion professionnelle. 130 jeunes chercheurs d’emploi issus de l’immigration et 195 mentors ont répondu à leurs questions. Constat? La crise du Covid-19 a entraîné une diminution des possibilités d’emploi et une augmentation des problèmes sociaux et financiers de ces jeunes. Les barrières d’accès aux services publics sont davantage renforcées et la transformation des moyens de communication et de recherche d’emploi via le digital est problématique pour une partie des jeunes.
Bien avant la crise économique provoquée par la pandémie, les jeunes issus de l’immigration faisaient déjà face à des inégalités sur le marché du travail: difficultés d’accès à l’emploi, discrimination, emplois précaires, à temps partiel ou en interim, difficultés sociales, etc. Le taux d’emploi des jeunes d’origine étrangère non-européenne était bien plus faible (36%) que celui des jeunes d’origine belge (61%). Nous en faisions l’état des lieux dans notre rapport d’expérience.
Or, le contexte actuel tend à aggraver cette situation. Le nombre de postes vacants a diminué en 2020 et le chômage des jeunes a augmenté proportionnellement plus que pour les autres groupes d’âge. À Bruxelles, le chômage des jeunes atteint même un pic de 28 %. Plus souvent dans des emplois peu rémunérés, précaires, à temps partiel ou en intérim, les jeunes issus de l’immigration sont particulièrement touchés par les conséquences de la crise sanitaire et courent un risque accru de précarité.
57
des jeunes considèrent que leur secteur est en crise
83
des jeunes trouvent qu’il est plus difficile d’obtenir un entretien d’embauche
64
des mentors considèrent que les possibilités d’emploi pour leur mentee ont considérablement diminué
Deux constats s’imposent. D’un côté, les principales difficultés rencontrées par ces jeunes n’ont pas disparu ces derniers mois: la maîtrise des langues, le manque de confiance en soi, le manque de compréhension du marché de l’emploi, ou la difficulté à cibler et à postuler pour des offres d’emploi sont autant de barrières à surmonter pour leur insertion professionnelle. Le manque de connaissance des codes culturels liés à la recherche d’emploi et le manque de réseaux pertinents restent également parmi les difficultés les plus citées par les jeunes. D’un autre côté, de nouvelles difficultés apparaissent ou sont beaucoup plus souvent mises en avant à partir de mars comme les problèmes d’accès aux services publics, la garde d’enfants ou la confiance en soi.
1
Les problèmes d’accès aux services publics
2
Les langues
3
Le manque de maîtrise des outils de recherche d’emploi
4
Le manque de compétences numériques
Outre la réduction des possibilités d’emploi, les jeunes ont dû faire face à un certain nombre de difficultés supplémentaires en raison de la crise. Plus d’un jeune sur deux estime que sa situation sociale (54%) et financière (56%) s’est détériorée pendant la pandémie. Sans surprise, l’impact du niveau d’éducation est déterminant: plus le niveau de diplôme est faible, plus les problèmes sociaux et financiers sont importants.
“L’année 2020, c’était une année très difficile pour moi et ma petite famille. En plein hiver, suite à une expulsion avant covid, on dormait dans notre voiture sans chauffage. Ensuite, vers le mois de février, j’ai trouvé un boulot par intérim. Après on était logé dans un hôtel (tout l’argent que je gagnais servait à payer l’hôtel). Au mois d’avril, tout le monde devrait quitter l’hôtel pour les mesures sanitaires. On a recommencé à dormir dans la voiture. Ensuite un ami qui squatte un appartement, nous a dit de payer une somme à son propriétaire pour nous accueillir. Nous étions confinés la-bas, sans eau ni électricité. Vers le mois d’août, le propriétaire a jeté toutes nos affaires, nos vêtements, nos souvenirs, etc …. En bref, on est restés les mains vides.” Christian, 33 ans, Bruxelles
Les principaux problèmes sociaux rencontrés durant cette période concernent des problèmes pour obtenir les aides sociales (plus d’un jeune sur trois), le manque de continuité des formations professionnelles et linguistiques, les problèmes liés au logement (ou à la cohabitation), les difficultés administratives et juridiques.
L’impact psychologique est également très marqué : près de la moitié des jeunes interrogés se sentent isolés (46%) et disent avoir du mal à trouver l’énergie et la motivation nécessaires pour chercher un emploi (53%).
« Je vis seul en Belgique et je n’ai pas de famille ici. J’ai également déménagé pendant la pandémie et je ne connaissais personne dans ma nouvelle ville. Au début de cette année, j’ai commencé une formation pratique avec le VDAB. C’est à plein temps, sur place, ce qui me permet d’apprendre le néerlandais de façon pratique et d’avoir des contacts sociaux. » Yonas*, 27 ans, Mechelen
Pour répondre à ces situation sociales et financières dégradées, les services publics ne semblent pas suffisamment accessibles, ce qui signifie que les problèmes ne sont pas ou pas suffisamment détectés et résolus. Plus de la moitié (58 %) des jeunes interrogés font état de difficultés à accéder aux services publics pendant la pandémie. C’est vrai pour plus de 70% des jeunes moins qualifiés. Les raisons? Le manque de rendez-vous physiques, les difficultés à prendre contact par téléphone et la longue attente d’une réponse par courrier électronique.
“C’est difficile d’avoir un rendez-vous, et maintenant quand je prends un rendez-vous, ça prend un mois, deux mois. Par exemple, quand on a besoin d’une attestation urgente, comme composition de ménage ou bien pour faire la demande de quelque chose, alors il faut attendre un rendez-vous dans un mois, ou plusieurs semaines, c’est incroyable. C’est très difficile, c’est pas juste la commune, c’est partout.” Aziza*, 26 ans, Bruxelles
Avant l’impact du COVID-19, la difficulté la plus générale et la plus constante des jeunes mentees était déjà liée au manque d’information adéquate. Les jeunes, notamment primo-arrivant·e·s, manquent de référent pour les aider à décoder et trouver leur chemin dans toutes ces informations reçues. La langue est une barrière car la plupart des services et des sites n’offrent l’information pour y accéder qu’ en français et/ou en néerlandais, manquent d’interprétariat et utilisent du jargon administratif incompréhensible pour une personne dont ce n’est pas la langue maternelle.
Le manque d’alternatives au contact digital ou téléphonique a donc renforcé ces barrières dans l’accès aux services publics des jeunes issus de l’immigration. Ces barrières supplémentaires impliquent un risque concret de voir ces jeunes perdre le fil qui les lie au système. Il est donc impératif d’éviter ces situations de décrochage qui pourraient mener à des situations de non droit et à un engrenage de précarité.
Les résultats de l’enquête reflètent les constats existants sur la transition numérique: une partie de la société n’arrive pas à suivre le rythme de la numérisation. Plus d’un jeune sur trois (38 %) ayant répondu à l’enquête a eu des difficultés à trouver un emploi ou une formation en ligne. Là encore, il existe des différences significatives selon les profils: près de 8 jeunes diplômés universitaires sur 10 déclarent ne pas s’inquiéter de la recherche d’un emploi en ligne, tandis que 70 % des jeunes n’ayant pas le CESS éprouvent des difficultés à chercher un emploi en ligne. Les difficultés qu’ils invoquent principalement sont le manque de savoir-faire, le manque de matériel et le manque de soutien.
Pourtant, dans ces circonstances “forcées”, on constate une formidable adaptation des jeunes dont trois quarts déclarent avoir acquis de nouvelles compétences numériques. Les jeunes indiquent avoir principalement appris par eux-mêmes ou grâce à de l’aide externe. Dans une moindre mesure, ils mentionnent l’acquisition de matériel et le fait de suivre des cours.
“J’ai découvert une partie de moi-même. En fait, toutes ces années quand on m’a dit ‘fais ça sur internet’ et je disais ‘non je ne suis pas fort sur internet’, c’était parce que j’ai pas essayé. Maintenant que j’ai vu que je n’avais pas le choix et que je dois tout faire via internet et avec des durées très longues pour obtenir des rendez-vous, j’ai appris une chose de moi-même. Quand je me force, je peux le faire” Ahmed*, 30 ans, Bruxelles
Parmi ceux ayant reçu de l’aide, 82% disent avoir reçu de l’aide de leur mentor pour améliorer leurs compétences numériques. Ceci renforce l’importance d’un accompagnement individualisé et flexible qui s’adapte aux besoins du jeune tel que le mentoring offert par DUO for a JOB.
C’est pour ces raisons que, dès juin 2020, nous avons adapté notre programme de mentorat, en veillant à ce que chacun ait accès à ses services, que ce soit en digital ou en présentiel (dans nos locaux). À côté des services adaptés (prêt d’équipement informatique, formations, etc.), nous constatons qu’il reste essentiel d’offrir une alternative en présentiel à chaque étape. En effet, le digital n’est pas une option pour une série de jeunes pour des raisons qui sont certes liées à un manque de connaissances du digital, un manque d’équipement ou de maîtrise des codes liés à l’utilisation des outils digitaux. Mais pas seulement. Les mentors interrogés dans le cadre de cette étude mettent aussi en avant les difficultés de langue, la qualité de la relation, le manque de convivialité, de sensibilité, la difficulté à mettre en place la confiance, à comprendre les non-dits, autant d’éléments difficilement appréhendables par les chiffres mais qui sont au cœur de l’accompagnement humain des mentors.
Ainsi, seuls 39% des duos ont travaillé exclusivement de manière digitale en 2020. Ce chiffre démontre le grand besoin de rencontres physiques personnelles, au moins pour une partie des duos.
Puisque la crise a exacerbé les inégalités existantes, le plan de relance économique devra plus que jamais tenir compte des obstacles rencontrés par les groupes vulnérables sur le marché du travail. En ce qui concerne l’insertion professionnelle des jeunes issus de l’immigration, les recommandations de réforme formulées avant la crise notamment par Unia (Monitoring socio-économique 2019) et par DUO for a JOB, restent pertinentes. De nouveaux points d’attention s’ajoutent.
Lorsqu’on traite les inégalités et qu’on souhaite réduire la précarité, la sécurité sociale et les services publics restent l’instrument de choix pour éviter que les plus fragiles ne perdent le fil. Il est donc primordial de s’assurer que l’accès soit garanti à tous. S’il est bien entendu utile de numériser les services, il paraît nécessaire de maintenir la possibilité d’y accéder dans le cadre d’une rencontre humaine, en présentiel pour ceux qui en ont besoin.
De manière plus globale, il est essentiel d’empêcher que la numérisation accélérée ne crée de nouvelles inégalités – ou n’aggrave les anciennes. La révolution numérique crée des opportunités incontestables mais devra pour se réaliser pleinement, ne laisser personne derrière. Il faudra investir davantage dans la mise à disposition de matériel, la création de possibilités de formation. Il faudra également créer de l’expertise sur la question de la digitalisation inclusive des services (y compris le mentorat) en mutualisant les bonnes pratiques. Mais pas seulement. Pour accrocher les groupes les plus vulnérables, il faudra les accompagner en partant de leur point de départ en leur offrant un soutien individualisé.
« 2020 c’est une période que je n’oublierai jamais. Avant le Covid j’avais déjà des problèmes personnels parce que le papa de mes enfants est parti juste avant que le Covid arrive. Ça a été un moment très difficile, mais il fallait que je tienne pour mes 4 enfants. Je cherchais un travail. Mais avec le Covid, j’ai rencontré énormément de difficultés qui m’ont causé beaucoup de stress. Premièrement, j’ai beaucoup de mal avec les ordinateurs, je n’ai pas du tout cette notion là. Comment trouver du travail? Vers qui aller? Que faire pour avoir des contacts? Avec le confinement, tu vois personne, personne ne te voit et le pire: on ne te répond pas au téléphone. J’ai appris à utiliser l’e-mail par moi-même, je n’avais pas de choix, car mon assistant social était injoignable par téléphone. J’étais vraiment bloquée. j’ai obtenu mon diplôme d’auxiliaire d’enfance mais ils ont changé la loi en 2020, maintenant il faut que j’ai mon CESS aussi et je ne l’ai pas. Je dois donc encore suivre une formation mais maintenant tout est digital, je me suis dit que ça va me stresser beaucoup et je ne vais pas y arriver, de faire tout ça en ligne… Le CPAS m’a donné un bon pour acheter un ordinateur, et je veux vraiment suivre une formation pour apprendre. L’ordinateur je ne connais rien du tout. Mais c’est dans mes objectifs, il faut que j’arrive à faire ça, car je ne peux pas toujours demander de l’aide à quelqu’un. »
DUO for a JOB, prêt à faire partie de la solution
À ce titre, DUO for a JOB offre un accompagnement pertinent à trois endroits critiques au moment de dessiner le plan de la relance. Non seulement, le mentorat favorise l’insertion professionnelle des jeunes issus de l’immigration et permet de maintenir ou de recréer le lien avec le système pour des personnes en situation de vulnérabilité.
Il restaure également la solidarité intergénérationnelle et permet de lutter contre l’isolement des jeunes et moins jeunes. Via leur implication dans ce projet de citoyenneté active, les 50+ “restent au contact” et valorisent leur place dans la société, celle de seniors qui transmettent l’expérience de toute une vie.
Enfin, le manque d’espaces de rencontres et de liens dans un contexte économique et social difficile, tel que nous le vivons actuellement, couplé à une opinion publique déjà clivée et tendue, pourrait engendrer une augmentation des polarisations et des crispations. Dès lors, il est absolument crucial d’offrir des plateformes de rencontres et d’échanges entre les citoyens afin de maintenir le dialogue et de créer des liens fondés sur la tolérance, l’ouverture et le respect mutuel.
* Tous les prénoms ont été changés par soucis d’anonymat