La difficile recherche d’emploi des réfugiés
Louise Vanderkelen – Publié le mercredi 14 septembre 2016 à 07h04 – Mis à jour le mercredi 14 septembre 2016 à 09h58
Un an après être arrivés en Belgique, de nombreux demandeurs d’asile ont eu la chance d’être reconnus réfugiés. Désormais en possession d’une carte d’identité belge, ils peuvent se lancer sur le marché du travail.
La recherche d’un emploi n’est pourtant pas prioritaire pour les réfugiés qui doivent tout d’abord trouver un logement. En effet, après avoir obtenu leur statut, ils ont deux mois pour quitter le centre d’accueil, faute de quoi ils se retrouveraient à la rue.
Une note de travail de la Commission européenne et de l’OCDE portant sur « les réfugiés et le marché du travail en Europe » a également révélé que les réfugiés vivant dans l’Union européenne pouvaient mettre « jusqu’à vingt ans » pour atteindre un taux d’emploi similaire à celui des natifs de leur pays d’accueil. La maîtrise de la langue a un « impact considérable » sur l’accès à l’emploi et ce, quel que soit le niveau d’éducation.
Viennent ensuite les discriminations, trop fréquentes, liées à l’origine ou à la couleur de peau de la personne. Ce problème touche aussi bien les migrants que les Belges issus de l’immigration.
En Flandre, un réfugié sur quatre a un job
La Flandre est bonne élève dans l’intégration des primo-arrivants. Il y a dix ans, elle mettait en place des parcours d’intégration civiques obligatoires (« inburgering ») qui incluent entre autres des cours de néerlandais, un cours d’orientation sociale et, surtout, une orientation socioprofessionnelle, alors que ce parcours n’est devenu obligatoire que l’année dernière à Bruxelles et en Wallonie.
Les chiffres donnés par le Service flamand pour l’emploi et la formation professionnelle (VDAB) démontrent l’efficacité de telles mesures. Un quart des migrants inscrits auprès du service flamand ont trouvé un emploi après un an de recherches.
En Wallonie, peu d’inscriptions terminées
Du 1er janvier au 31 juillet 2016, 1 489 réfugiés issus de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak, de Guinée et de Somalie se sont inscrits comme demandeurs d’emploi en Wallonie. En six mois, le Forem a enregistré plus du double d’inscriptions de migrants. De 119 nouveaux demandeurs d’emploi pour le mois de janvier à 294 pour le mois de juin. Preuve que la phase d’intégration a bel et bien débuté.
Tous ne semblent pas pour autant faire de la recherche d’un emploi leur objectif premier. Ainsi, 3 304 réfugiés ont été abordés par le Forem alors qu’ils se trouvaient encore dans leur centre d’accueil mais ne se sont toujours pas officiellement inscrits comme demandeurs d’emploi. Comme ils n’ont pas souhaité concrétiser leur demande, seul un dossier les concernant a été introduit.
Seulement 653 inscrits à Bruxelles
La capitale, via son service à l’emploi Actiris, aide également les réfugiés à trouver un job. Lorsqu’on fait la somme des demandes introduites par les ressortissants de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak et de Somalie, qui représentent le flux majoritaire de réfugiés arrivés en Belgique depuis l’été dernier, on se rend compte qu’ils ne sont que 653 à avoir introduit une demande d’emploi à Bruxelles. Ils ne représentent dès lors qu’une infime partie des 96 287 personnes inscrites chez Actiris.
Une fuite des cerveaux vers le Nord
Les demandeurs réfugiés inscrits sont en grande majorité des hommes entre 25 et 40 ans. Les femmes sont toutefois mieux représentées à Bruxelles (38,3 %) qu’en Wallonie (19 %).
Leur niveau d’éducation varie, lui, très fortement en fonction des régions d’établissement. Ainsi, en Flandre, un réfugié sur quatre (25 %) a un niveau d’études élevé, autrement dit a réalisé des études supérieures. En Wallonie et à Bruxelles, ce taux est moins élevé.
Le taux de demandeurs d’emploi réfugiés hautement qualifiés dans la capitale atteint seulement 16,45 %. Par contre, plus de la moitié d’entre eux (56,21 %) ont un niveau d’étude faible, compte tenu du fait qu’ils se sont arrêtés aux études primaires. Près d’un réfugié demandeur d’emploi sur trois (27,43 %) chez Actiris a arrêté ses études après l’obtention de l’équivalent du CESS dans son pays d’origine.
Du côté wallon, il existe certes quelques « hauts profils » mais, comme à Bruxelles, la plupart des réfugiés inscrits présentent un niveau d’études faible, voire inexistant. C’est ainsi que si 21 % des inscrits ont réalisé des études supérieures, 34 % ont arrêté après le secondaire et près de la moitié (45 %) ont quitté l’enseignement après le primaire.
Ce niveau d’éducation limité est parfois dû à la guerre et à un arrêt brutal de la scolarité dans le pays d’origine du réfugié.
« L’administration belge est un vrai casse-tête. Il faut se faire aider ! »
Liban, la petite trentaine, le regard vif, arrive au sein des locaux de Duo for a Job avec un tas de documents en main. Le jeune homme semble enthousiaste. Depuis peu, il participe au programme de l’ASBL qui a pour objectif de mettre en lien de jeunes personnes issues de l’immigration à la recherche d’un emploi et un mentor, une personne plus âgée avec une grande expérience professionnelle qui pourra le conseiller et éventuellement faire jouer son carnet d’adresse.
Un diplôme français non reconnu
Liban est rapidement rejoint par celui qui le coachera durant six mois, Jean-Pierre, un retraité de 72 ans, ancien commercial. Les regards sont complices entre les deux hommes. Jean-Pierre ne rate pas une occasion de faire une blague pour mettre son « menti » à l’aise.
« Il m’avait fait part de sa volonté de travailler dans le milieu associatif mais ce qu’il lui faut aujourd’hui, c’est un job alimentaire qui lui permette de vivre », explique Jean-Pierre, plus sérieux.
Liban est originaire du Djibouti et a obtenu l’autorisation de suivre des études de sociologie à l’université de Metz, où il a obtenu son master. Après avoir terminé ses études et être retourné à Djibouti, Liban, opposé au gouvernement en place, a décidé de se réfugier en Belgique, explique-t-il dans un français impeccable. Arrivé en novembre 2014, il essuiera d’abord un refus de reconnaissance avant de faire appel et d’obtenir son statut de réfugié au mois de février de cette année.
Mais Liban a d’abord dû passer outre à quelques complications afin d’obtenir sa carte d’identité qui lui permet de travailler. Et la recherche d’un logement était sa première priorité. Maintenant qu’il est locataire d’un appartement dont le loyer s’élève à 550 euros (alors qu’il touche 850 euros du CPAS), il doit absolument trouver un job. Pourtant, son diplôme de sociologie obtenu en France doit encore être reconnu. « L’administration belge est un vrai casse-tête. Il y a énormément de documents à remplir. Il faut se faire aider ! » souligne le jeune homme qui se réjouit de parler et de comprendre le français.
Liban n’oublie pas ses rêves
C’est donc avec l’aide de Jean-Pierre, qui a suivi une formation, que Liban part à la recherche d’un emploi. Les deux hommes se réunissent une fois par semaine pendant deux heures afin d’éplucher ensemble les offres qui pourraient intéresser le jeune réfugié. Lors de ces rencontres, ils sont encadrés par Julie Bodson, coordinatrice de Duo for a Job. « Je dirais plutôt Trio for a Job ! » renchérit Jean-Pierre, qui souligne l’importance du travail abattu par l’ASBL pour soutenir ces jeunes dans leurs recherches.
« Je voulais travailler comme assistant social mais pour le moment, j’accepterai un travail en dessous de mes qualifications . » Liban n’abandonne toutefois pas ses rêves. Il espère en effet pouvoir mettre sur pied un projet qui permettrait de fournir de l’électricité à moindre coût pour les habitants de son pays.
Les cinq métiers les plus exercés par les réfugiés
En Wallonie, le métier le plus souvent exercé par les réfugiés avant leur départ vers la Belgique est celui de manutentionnaire. Ensuite, suivent les réassortisseurs, les agents de stockage, les ouvriers dans la construction et enfin les plongeurs dans la restauration.
A Bruxelles, ce sont les professionnels de la sécurité et du nettoyage qui sont les plus nombreux. Avant les employés du secteur de l’Horeca, des transports, du commerce et de l’administration. Bruxelles a le plus haut taux de réfugiés demandeurs d’emploi peu qualifiés (56,21 %).
En Flandre, le VDAB n’a pas fourni de liste des métiers exercés par les réfugiés avant leur départ mais affirme faire face à des secteurs plus diversifiés et des réfugiés plus qualifiés, ce qui pourrait expliquer le chiffre record de 25 % de mise à l’emploi après un an de recherches.